Importance du « secret de famille »
Abraham et Torok, posent les bases cliniques du « secret de familles », ou même de « roman familial ».
Ainsi, l’histoire exprimée de la famille évoque les soi-disant « exploits » de tel ou tel ancêtre, mais où les faits plus obscurs sont passés sous silence…
Tout fait caché prend une importance d’autant plus grande qu’il y a d’efforts pour les cacher : « L’ombre de l’objet ne cesse d’errer autour de la crypte jusqu’à se réincarner dans la personne même du sujet »
Avec l’incorporation du secret familial, la personne porte et s’approprie l’indicible qu’elle n’aura de cesse, de manifester dans sa vie, ses actes, ses maladies le secret.
Par crypte on entend : un secret, un non-dit, un acte inavouable, un traumatisme, etc.
Quelques exemples de crypte : une faillite honteuse, sorte de mort ou déshonneur social ; un enfant illégitime, un décès dans des conditions obscures et jamais éclaircies. L’importance du secret familial n’est pas lié à sa gravité mais aux efforts pour le taire et à l’absence de symbolisation.
Une crypte est un événement traumatique non métabolisé dans le psychisme de celui qui l’a vécu et a fortiori dans l’inconscient familial. L’événement reste alors dans le domaine du refoulé. La « crypte » serait une sorte de pièce mystérieuse en dessous des pièces à vivre du conscient. Dans la crypte, la « légende familiale » continue à se jouer et à se rejouer cette loin de la lumière, loin de l’exprimé, d’autant plus agissante, efficace, qu’elle est là, latente…
Le retour du refoulé dans l’inconscient familial
La notion de refoulement appliquée à l’inconscient familial s’applique à ce qui est refoulé par le conscient d’un individu, ou le conscient d’une famille. Ce qui est refoulé se manifeste par un « retour du refoulé ». Par exemple quelque chose de l’histoire non avouable remontera dans le conscient grâce à un enfant qui portera justement, par « hasard », sans que ses parents le sachent au niveau conscient, le même prénom que l’ancêtre « maudit » ou oublié.
On peut également parler d’actes symptomatiques ou accidentels qui rejoueront, parfois à des dizaines d’années de distance, précisément les événements qui ont été vécus par cet ancêtre « oublié ». Pour reprendre les paroles de Freud en les appliquant à la psycho généalogie et précisément à ces notions de crypte et de fantômes développés par Abraham et Torok, on peut dire que ces actes symptomatiques ou accidentels, bien que refoulés par le conscient, n’ont pas perdu toute possibilité de se manifester et de s’exprimer, l’inconscient les laisse surgir comme autant de lapsus révélateurs des non-dits de l’histoire familiale.
Ainsi, Abraham et Torok posent que que les traumatismes personnels donnent lieu à un « refoulement conservateur », qui immobilise dans une « crypte » (que l’on pourra définir de manière plus technique comme étant une partie clivée du moi, un endroit où seraient, d’après Abraham et Torok, « séquestrées » dans une sorte de « caveau secret ») des réalités oubliées. Ces réalités oubliées sont en fait des événements qui se sont passés mais qui ont été exclus, supprimés du champ de la conscience, de la mémoire, ou du champ de la transmission orale de l’histoire de vie, par exemple.
L’Œuvre de Nicolas Abraham et Maria Torok
Nicolas Abraham et de Maria Torok sont des auteurs incontournables. Ils inaugurent un renouveau de la conceptualité psychanalytique que le philosophe Jacques Derrida a salué le premier tandis que l’establishment psychanalytique le rejetait comme il avait rejeté Ferenczi, minimisé Balint et créé des difficultés à tous les novateurs comme Balint et Bion l’ont bien décrit. Dans la filiation de Freud, Ferenczi et Husserl, il s’agit d’une œuvre aussi importante que celles de Mélanie Klein, Bion et Winnicott. Cette oeuvre est moins importante par son volume global que par les nouvelles notions pertinentes qu’elle apporte pour aborder et contribuer à résoudre des problèmes difficiles souvent rencontrés au cours des psychanalyses , des psychothérapies psychanalytiques et également par d’autres psychothérapeutes et dans la pratique psychiatrique courante.